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été payé à mon retour par les témoignages que j’en reçois qu’elles ne veulent plus recommencer ; de façon que privé des secours nécessaires, j’ai contracté ici quelques dettes qui m’empêchent d’en sortir avec honneur & qui m’obligent de recourir à vous.

Que ferois-je si vous me refusiez ? de quelle confusion ne serois-je pas couvert ? faudra-t-il après avoir si long-tems vécu sans reproche malgré les vicissitudes d’une fortune inconstante, que je déshonore aujourd’hui mon nom par une indignité ? Non, mon cher pere, j’en suis sûr, vous ne le permettrez pas. Ne craignez pas que je vous fasse jamais une semblable priere ; je puis enfin par le moyen d’une science que je cultive incessamment, vivre sans le secours d’autrui ; je sens combien il pese d’avoir obligation aux & étrangers & je me vois enfin en état après des soucis continuels, de subsister par moi- même ; je ne ramperai plus, ce métier est indigne de moi ; si j’ai refusé plusieurs fois une fortune éclatante, c’est que j’estime mieux une obscure liberté, qu’un esclavage brillant ; mes souhaits vont être accomplis & j’espere que je vais bientôt jouir d’un sort doux & tranquille, sans dépendre que de moi même, & d’un pere dont je veux toujours respecter & suivre les ordres.

Pour me voir en cet état il ne me marque que d’être hors d’ici ou je me suis témérairement engagé : j’attends ce dernier bienfait de votre main avec une entiere confiance.

Honorez-moi, mon cher pere, d’une réponse de votre main ; ce sera la premiere lettre que j’aurai reçue de vous des ma sortie de Geneve ; accordez-moi le plaisir de baiser au moins