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Du moins d’un zele pur les vœux trop mérités
Par mon cœur chaque jour lui seront présentés.
Je sais trop, il est vrai, que ce zele inutile
Ne peut lui procurer un destin plus tranquille ;
En vain, dans sa langueur, je veux la soulager,
Ce n’est pas les guérir que de les partager.
Hélas ! de ses tourmens le spectacle funeste
Bientôt de mon courage étouffera le reste :
C’est trop lui voir porter, par d’éternels efforts,
Et les peines de l’ame & les douleurs du corps.
Que lui sert de chercher dans cette solitude
A fuir l’éclat du monde & son inquiétude ;
Si jusqu’en ce désert, à la paix destiné,
Le sort lui donne encor, à lui nuire acharné,
D’un affreux procureur le voisinage horrible,
Nourri d’encre & de fiel, dont la griffe terrible
De ses tristes voisins est plus crainte cent sois
Que le hussard cruel du pauvre Bavarois.


Mais c’est trop t’accabler du récit de nos peines,
Daigne me pardonner, ami, ces plaintes vaines ;
C’est le dernier des biens permis aux malheureux,
De voir plaindre leurs maux par les cœurs généreux.
Telle est de mes malheurs la peinture naïve.
Jugé de l’avenir sur cette perspective,
Vois si je dois encor, par des soins impuissans,
Offrir à la fortune un inutile encens :
Non, la gloire n’est point l’idole de mon ame ;