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de mots les raisons que vous apportez contre l’établissement d’un théâtre à Geneve, & je soumets cet examen au jugement & à la décision des Genevois.

Vous nous transportez d’abord dans les montagnes du Valais, au centre d’un petit pays dont vous faites une description charmante ; vous nous montrez ce qui ne se trouvé peut-être que dans ce seul coin de l’univers ; des peuples tranquilles & satisfaits au sein de leur famille & de leur travail ; & vous prouvez que la comédie ne seroit propre qu’à troubler le bonheur dont ils jouissent. Personne, Monsieur, ne prétendra le contraire ; des hommes assez heureux pour se contenter des plaisirs offerts par la nature, ne doivent point y en substituer d’autres ; les amusemens qu’on cherche sont le poison lent des amusemens simples ; & c’est une loi générale de ne pas entreprendre de changer le bien en mieux : qu’en conclurez-vous pour Geneve ? L’état présent de cette république est-il susceptible de l’application de ces regles ? Je veux croire qu’il n’y a rien d’exagéré ni de romanesque dans la description de ce canton fortuné du Valais, où il n’y a ni haine, ni jalousie, ni querelles, & où il y a pourtant des hommes. Mais si l’âge d’or s’est réfugié dans les rochers voisins de Geneve, vos citoyens en sont pour le moins à l’âge d’argent ; & dans le peu de tems que j’ai passé parmi eux, ils m’ont paru assez avancés, ou, si vous voulez assez pervertis, pour pouvoir entendre Brutus & Rome sauvée sans avoir à craindre d’en devenir pires.

La plus forte de toutes vos objections contre l’établissement d’un théâtre à Geneve, c’est l’impossibilité de supporter