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comme mon recours & mon appui ; & à mesure que ma langue se dénouoit, j’employois ses premiers mouvemens à vous invoquer."(Lib. 1. Confess. Chap. IX).

IX. Continuons, M. T. C. F., de relever les paradoxes étranges de l’Auteur d’EMILE. Après avoir réduit les jeunes gens à une ignorance si profonde par rapport aux attributs & aux droits de la Divinité, leur accordera-t-il du moins l’avantage de se connoître eux-mêmes ? Sauront-ils si leur ame est une substance absolument distinguée de la matiere ? ou se regarderont-ils comme des êtres purement matériels & soumis aux seules loix du mécanisme ? l’Auteur d’EMILE doute qu’à dix-huit ans, il soit encore tems que son Eleve apprenne s’il a une ame : il pense que, s’il l’apprend plutôt, il court risque de ne le savoir jamais : ne veut-il pas du moins que la jeunesse soit susceptible de la connoissance de ses devoirs ? Non. À l’en croire, il n’y a que des objets physiques qui puissent intéresser les enfans, sur-tout ceux dont on n’a pas éveillé la vanité, & qu’on n’a pas corrompus d’avance par le poison de l’opinion. Il veut, en conséquence, que tous les soins de la premiere éducation soient appliqués à ce qu’il y a dans l’homme de matériel & de terrestre : exercez, dit-il, son corps, ses organes, ses sens, ses forces ; mais tenez son ame oisive, autant qu’il se pourra. C’est que cette oisiveté lui a paru nécessaire pour disposer l’ame aux erreurs qu’il se proposoit de lui inculquer. Mais ne vouloir enseigner la sagesse à l’homme que dans le tems où il sera dominé par la fougue des passions naissantes, n’est-ce pas la lui présenter dans le dessein qu’il la rejette ?