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autres dans d’admirables proportions, ainsi que ce juste milieu, au-deçà & au-delà duquel elles perdent infiniment de leur prix.

On ne se contente pas d’attaquer les Sciences dans les effets qu’on leur attribue ; on les empoisonne jusques dans leur source ; on nous peint la curiosité comme un penchant funeste ; on charge son portrait des couleurs les plus odieuses. J’avouerai que l’allégorie de Pandore peut avoir un bon côté dans le systême moral ; mais il n’en est pas moins vrai que nous devons à nos connoissances, & par conséquent à notre curiosité, tous les biens dont nous jouissons. Sans elle, réduits à la condition des brutes, notre vie se passeroit à ramper sur la petite portion de terrain destiné à nous nourrir & à nous engloutir un jour. L’état d’ignorance est un état de crainte & de besoin, tout est danger alors pour notre fragilité : la mort gronde sur nos têtes, elle est cachée dans l’herbe que nous foulons aux pieds. Lorsqu’on craint tout, & qu’on a besoin de tout, quelle disposition plus raisonnable que celle de vouloir tout connoître ?

Telle est la noble distinction d’un être pensant : seroit-ce donc en vain que nous aurions été doués seuls de cette faculté divine ? C’est s’entendre digne que d’en tirer.

Les premiers hommes se contenterent de cultiver la terre, pour en tirer le bled : ensuite on creusa dans ses entrailles, on en arracha les métaux. Les mêmes progrès se sont faits dans les Sciences : on ne s’est pas contenté des découvertes les plus nécessaires : on s’est attaché avec ardeur à celles qui en paroissoient que difficiles & glorieuses. Quel étoit