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& l’arbitre de l’Europe ; elle fait vaincre & chanter ses victoires : ses Philosophes mesurent la terre, & son Roi la pacifie.

Qui osera soutenir que le courage des François ait dégénéré depuis qu’ils ont cultivé les Lettres ? Dans quel siecle a-t-il éclaté plus glorieusement qu’à Montalban, Lawfelt, & dans tant d’autres occasions que je pourrois citer ? Ont-ils jamais fait paroître plus de constance que dans les retraites de Prague & de Baviere ? Qu’y a-t-il enfin de supérieur dans l’antiquité au siége de Berg-op-Zoom, & à ces braves grenadiers renouvellés tant de fois, qui voloient avec ardeur aux mêmes postes, où ils venoient de voir foudroyer ou engloutir les héros qui les précédoient.

En vain veut-on nous persuader que le rétablissement des Sciences a gâté les mœurs. On est d’abord obligé de convenir que les vices grossiers de nos ancêtres sont presqu’entiérement proscrits parmi nous.

C’est déjà un grand avantage pour la cause des Lettres, que cet aveu qu’on est forcé de faire. En effet, les débauchés, les querelles & les combats qui en étoient les suites, les violences des grands, la tyrannie des peres, la bizarrerie de la vieillesse, les égaremens impétueux des jeunes gens, tous ces excès si communs autrefois, funestes effets de l’ignorance & de l’oisiveté, n’existent plus depuis que nos mœurs ont été adoucies par les connoissances dont tous les esprits sont occupés ou amusés.

On nous reproche des vices rafinés & délicats ; c’est que par-tout où il y a des hommes, il y aura des vices. Mais les voiles ou la parure dont ils se couvrent, sont du moins l’aveu