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n’ont ni le goût ni le loisir d’amasser de grands biens. Ils aiment l’étude ; ils vivent dans la médiocrité, & une vie laborieuse & modérée, passée dans le silence de la retraite, occupée de la lecture & du travail, n’est pas assurément une vie voluptueuse & criminelle. Les commodités de la vie, pour être souvent le fruit des Arts, n’en sont pas davantage le partage des artistes ; ils ne travaillent que pour les riches, & ce sont les riches oisifs qui profitent & abusent des fruits de leur industrie.

L’effet le plus vanté des Sciences & des Arts, c’est, continue l’Auteur, cette politesse introduite parmi les hommes, qu’il lui plaît de confondre avec l’artifice & l’hypocrisie. Politesse, selon lui, qui ne sert qu’à cacher les défauts & à masquer les vices. Voudroit-il donc que le vice parût à découvert ; que l’indécence fût jointe au désordre, & le scandale au crime ? Quand, effectivement, cette politesse dans les manieres ne seroit qu’un rafinement de l’amour-propre pour voiler les foiblesses, ne seroit- ce pas encore un avantage pour la société, que le vicieux n’osât s’y montrer tel qu’il est, & qu’il fût forcé d’emprunter les livrées de la bienséance & de la modestie ? On l’a dit, & il est vrai ; l’hypocrisie, toute odieuse qu’elle est en elle-même, est pourtant un hommage que le vice rend à la vertu ; elle garantit du moins les ames foibles de la contagion du mauvais exemple.

Mais c’est mal connoître les savans, que de s’en prendre à eux du crédit qu’a dans le monde cette prétendue politesse qu’on taxe de dissimulation ; on peut être poli sans être dissimulé ;