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comme il l’assure, pourquoi, dit-il, qu’elles conviennent à quelques grands génies. Pour bien user de la Science, il faut avoir de grands talens, de grandes vertus ; or c’est ce qu’on peut à peine espérer de quelques ames privilégiées. Une ame privilégiée se livrera-t-elle des occupations frivoles ? Il faut plusieurs siecles pour trouver des Auteurs qui puissent devancer les Descartes & les Newtons ; je consens même que chaque siecle en produise une douzaine, à quoi serviront les efforts de ces grands génies, puisque les Nations, à qui l’on n’aura pas permis de cultiver les Sciences, n’entendront point leurs ouvrages ? D’ailleurs, comment saura-t-on si un homme a la forcé de marcher seul sur les traces des Descartes & des Newtons, & comment le saura-t-il lui-même, si l’on n’a point cultivé son esprit ? Je pourrois rapporter beaucoup d’autres endroits que je n’entends pas mieux ; ainsi ce n’est pas tout-à-fait sans fondement que M. Rousseau m’accuse de ne le pas entendre.

Il dit que je lui prescris les Auteurs qu’il peut citer, & que je récuse ceux qui déposent pour lui. Il vouloit prouver que des Peuples ignorans ont par leurs vertus fait l’exemple des autres Nations. Il donne ce fait comme certain, sur le témoignage de quelques Auteurs : j’en cite d’autres aussi croyables, qui peignent ces mêmes Peuples avec des couleurs fort différentes. Je donne leur autorité comme certaine pour imiter M. Rousseau, & lui faire sentir que des faits tout au moins problématiques, ne sauroient lui servir de preuves. Il y a plus ; la certitude même de ces faits ne l’autoriseroit pas à conclure que la culture des Sciences déprave les mœurs : j’en ai