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surprises & sans discipline.*

[*Le Czar Pierre I est une preuve récente de cette vérité.] Mais ce héros immortel qui vous a tous effacés, qui vous a tous subjugués, & avec vous ces Perses, ces peuples de l’Orient qui vous avoient tant de fois fait trembler, ceux mêmes que vous ne connoissiez pas, & jusques aux Scythes si renommés pour leur ignorance, leur rusticité & leur bravoure ; ce conquérant aussi magnanime que courageux étoit-il un barbare comme vous ? étoit-il un disciple de Lycurgue ; non, certes, la férocité n’est pas capable d’une si grande élévation d’ame, elle est réservée à l’éleve d’Homere & d’Aristote, au protecteur des Appelles & des Phidias ; comme on voit dans notre siecle qu’elle est encore annexée aux Princes éleves des Descartes, des Newtons, des Volfs ; aux Princes fondateurs & protecteurs des Académies ; aux Princes amis des Savans, & savans eux-mêmes. Toute l’Europe m’entend, & je ne crains pas qu’elle désavoue ces preuves récentes, actuelles même, de l’union intime & naturelle du savoir, de la vraie valeur & de l’équité.

L’événement marqua cette différence — qu’Athenes nous a laissés ? Il sied bien à Socrate fils de sculpteur, grand sculpteur lui-même, & plus grand Philosophe encore, de dire que personne n’ignore plus les Arts que lui, de faire l’éloge de l’ignorance, de se plaindre que tous les gens à talens ne sont rien moins que sages. N’est-il pas lui-même une preuve du contraire ? Prêcheroit-il si bien la vertu, auroit-il été le pere de la Philosophie, & un des plus sages d’entre les hommes, au jugement de l’Oracle même, s’il avoit été un ignorant ? Socrate fait ici le personnage de nos Prédicateurs, qui trouvent