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polis, lettrés, ne sont pas capables d’outrager grossiérement leurs ennemis, mais qu’en revanche, la dissimulation, la calomnie adroite, la fourberie, sont le partage de cette partie civilisée.

C’est déjà un grand avantage pour la société que les Lettres ayent extirpé les vices grossiers ; mais quand l’Auteur croit que les défauts moins importans se sont multipliés & ont fait une compensation, c’est une erreur dans laquelle personne ne donnera. À qui pourra-t’on persuader qu’un homme assez féroce pour exécuter le vol, le meurtre, tel qu’on en trouvé tant dans la lie du peuple & des paysans, &c. se sera un scrupule d’être dissimulé, fourbe ? Ce sont-là de belles bagatelles pour des scélérats capables de tremper leurs mains dans le sang humain ! Convenons donc que la partie grossiere des hommes de ce siecle même, la partie peu civilisée, à demi barbare, est la plus méchante ; & nous concevrons que quand tout le genre-humain étoit sauvage, barbare, pire encore que la grossiere espece dont nous venons de parler, tous les hommes étoient beaucoup plus méchans qu’ils ne sont aujourd’hui.

Les haines nationales s’éteindront — que leur artificieuse simplicité. Notre Orateur copie ici le Misanthrope de Moliere : il ne lui manque plus que de dire avec lui....

J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond,

Quand je vois vivre entr’eux les hommes comme ils sont ;

Je ne trouvé par-tout que lâche flatterie,

Qu’injustice, intérêt, trahison, fourberie ;