Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/102

Cette page n’a pas encore été corrigée

prouver ce que ces événemens viennent de nous apprendre ?

La propre constitution de l’homme le rend sujet à mille besoins. Il a des sens qui l’en avertissent, & chacune de ses sensations de besoins est accompagnée d’une action de la volonté, d’un desir d’autant plus violent que le besoin en est plus grand, ou l’organe qui en instruit, plus sensible. Ce même acte de la volonté fait jouer tous les ressorts du mouvement de la machine propres à satisfaire les besoins, à remplir les desirs. Voilà la marche naturelle de la nature humaine, & une suite d’effets aussi attachés à son méchanisme, que l’est à celui d’une pendule le partage du jour en 24 heures. Par elle-même, le bien-être de l’individu est son unique objet, l’unique fin à laquelle cet individu rapporte toutes ses actions. S’il n’y avoit qu’un homme dans l’Univers, il seroit à même de se contenter, sans le faire aux dépens d’aucun être qui pût s’y opposer ou s’en plaindre ; mais dés que l’objet de ses desirs se trouvé partagé entre plusieurs hommes, il arrive souvent qu’il faut qu’il apprenne à s’en passer, ou qu’il le ravisse à celui qui le posséde. Qu’est-ce que lui dicté la nature en pareil cas ? Elle ne balance pas ; elle n’a rien de plus cher qu’elle-même, & de plus pressé que de se satisfaire ; elle lui dit très-positivement que, si le possesseur de l’objet desiré est plus foible, il faut le lui ravir sans façon ; & que s’il est capable d’une résistance qui rende l’acquisition douteuse, il faut y suppléer par l’art, lui tendre une embuscade, ou imaginer un arc & une fléche qui l’atteigne de loin, & qui nous défasse de l’inquiétude où nous met ce desir, ou la crainte d’être troublé dans la possession de l’objet, quand nous l’avons acquis. Ainsi