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doit-on espérer des affaires publiques rapprochées d’un tel Peuple, & transportées de la Cour à la Ville ? Quelle confiance peut-on avoir au scrutin des Conseils quand on voit celui d’une Académie au pouvoir des femmes ; seront-elles moins empressées à placer des Ministres que des Savans, ou se connoîtront-elles mieux en politique qu’en éloquence ? Il est bien à craindre que de tels établissemens, dans un pays où les mœurs sont en dérision, ne se fissent peu tranquillement, ne se maintinssent gueres sans troubles, & ne donnassent pas les meilleurs sujets.

D’ailleurs, sans entrer dans cette vieille question de la vénalité des charges qu’on ne peut agiter que chez des gens mieux pourvue d’argent que de mérite, imagine-t-on quelque moyen praticable d’abolir en France cette vénalité ? ou penseroit-on qu’elle pût subsister dans une partie du Gouvernement & le scrutin dans l’autre ? l’une dans les Tribunaux, l’autre dans les Conseils ? & que les seules places qui restent à la faveur seroient abandonnées aux élections ? Il faudroit avoir des vues bien courtes & bien fausses pour vouloir allier des choses si dissemblables, & fonder un même systême sur des principes si differéns. Mais laissons ces applications & considérons la chose en elle-même.

Quelles sont les circonstances dans lesquelles une Monarchie héréditaire peut sans révolutions être tempérée par des formes qui la rapprochent de l’Aristocratie ? Les Corps intermédiaires entre le Prince & le Peuple peuvent-ils, doivent-ils avoir une juridiction indépendante de l’un & de l’autres, ou s’ils sont précaires & dépendans du Prince, peuvent-ils jamais entrer comme