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JUGEMENT

SUR LA

POLYSYNODIE.


De tous les ouvrages de l’Abbé de St. Pierre, le discours sur la Polysynodie est, à mon avis, le plus approfondi, le mieux raisonné ; celui où l’on trouve le moins de répétitions, & même le mieux écrit ; éloge dont le sage Auteur se seroit fort peu soucié, mais qui n’est pas indifférent aux lecteurs superficiels. Aussi cet écrit n’étoit-il qu’une ébauche, qu’il prétendoit n’avoir pas eu le tems d’abréger ; mais qu’en effet il n’avoit pas eu le tems de gâter pour vouloir tout dire ; & Dieu garde un lecteur impatient des abrégés de sa façon !

Il a su même éviter dans ce discours le reproche si commode aux ignorans qui ne savent mesurer le possible que sur l’existant, ou aux méchans qui ne trouvent bon que ce qui sert à leur méchanceté, lorsqu’on montre aux uns & aux autres que ce qui est pourroit être mieux. Il a, dis-je, évité cette grande prise que la sottise routinée a presque toujours sur les nouvelles vues de la raison, avec ces mots tranchans de projets en l’air & de rêveries ; car quand il écrivoit en faveur de la Polysynodie, il la trouvoit établie dans sons pays. Toujours paisible & sensé, il se plaisoit à montrer à ses compatriotes les avantages du Gouvernement auquel ils étoient soumis ; il en faisoit une comparaison raisonnable & discrete avec celui dont