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d’inconvénient. Je vous avouerai d’abord que plus je pense à l’exposition lumineuse que vous m’avez faite, moins je puis me persuader que cette roideur de caractere qu’il manifeste dans un âge si tendre, soit l’ouvrage de la nature. Cette mutinerie, ou si vous voulez, Madame, cette fermeté n’est pas si rare que vous croyez, parmi les enfans élevés comme lui dans l’opulence, & j’en sais dans ce moment même à Paris, un autre exemple tout semblable, dont la conformité m’a beaucoup frappé : tandis que parmi les autres enfans élevés avec moins, de sollicitude apparente, & à qui l’on a moins fait sentir par-là leur importance, je n’ai vu de ma vie un exemple pareil. Mais laissons quant à présent cette observation qui nous meneroit trop loin, & quoi qu’il en soit de la cause du mal, parlons du remede.

Vous voilà, Madame, à mon avis, dans une circonstance favorable dont vous pouvez tirer grand parti. L’enfant commence à s’impatienter dans sa pension, il desire ardemment de revenir, mais sa fierté qui ne lui permet jamais de s’abaisser aux prières, l’empêche de vous manifester pleinement son desir. Suivez cette indication pour prendre sur lui un ascendant dont il ne lui soit pas aisé dans la suite d’éluder l’effet. S’il n’y avoit pas un peu de cruauté d’augmenter ses alarmes, voudrois qu’on commençât par lui faire la peur toute entiere, & que sans que personne lui dît précisément qu’il, restera, ni qu’il reviendra, il vît quelque espece de préparatifs comme pour lui faire quitter tout-à-fait la maison paternelle, & qu’on évitât de s’expliquer avec lui sur ces préparatifs. Quand vous l’en verriez le plus inquiet, vous prendriez alors votre moment