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vous l’avois bien articulé, & je m’étois assuré que vous m’entendiez fort bien. Vous m’avez demandé conseil, je ne vous l’ai point refusé. J’ai fait plus ; je vous ai offert, je vous offre encore, d’alléger en ce qui dépend de moi la dureté de votre situation. Je ne vois pas, je vous l’avoue, en quoi vous pouvez vous plaindre de mon accueil, & si je ne vous ai point accordé de confiance, c’est que vous ne m’en avez point inspiré.

Vous ne voulez point, Monsieur, faire part de l’état de votre ame & de votre derniere résolution à votre bienfaiteur, à votre consolateur, dans la crainte que, voulant prendre votre défense, il ne se compromît inutilement avec un ennemi puissant qui ne lui pardonneroit jamais ; c’est à moi que vous vous adressez pour cela, sans doute à cause de mon grand crédit & des moyens que j’ai de vous servir, & qu’un ennemi de plus ne vous paroît pas une grande affaire pour quelqu’un dans ma situation. Je vous suis obligé de la préférence ; j’en userois si j’étois sûr de pouvoir vous servir ; mais certain que l’intérêt qu’on me verroit prendre à vous, ne feroit que vous nuire, je me tiens dans les bornes que vous m’avez demandées.

À l’égard du jugement que je porterai de la résolution que vous me marquez avoir prise, quand j’en apprendrai l’exécution, ce ne sera surement pas de penser que c’étoit là le but, la fin, l’objet moral de la vie, mais au contraire que c’étoit le comble de l’égarement, du délire, & de la fureur. S’il étoit quelque cas où l’homme eût le droit de se délivrer de sa propre vie, ce seroit pour des maux intolérables & sans remede,