LETTRE À M. D.
Lyon le 20 Juin 1768.
Je ne me pardonnerois pas, mon cher hôte, de vous laisser ignorer mes marches, ou les apprendre par d’autres avant moi. Je suis à Lyon depuis deux jours, rendu des fatigues de la Diligence, ayant grand besoin d’un peu de repos, & très-empressé d’y recevoir de vos nouvelles, d’autant plus que le trouble qui regne dans le pays où vous vivez me tient en peine, & pour vous, & pour nombre d’honnêtes gens auxquels je prends intérêt. J’attends de vos nouvelles avec l’impatience de l’amitié. Donnez-m’en, je vous prie, le plutôt que vous pourrez.
Le desir de faire diversion à tant d’attristans souvenirs qui, à force d’affecter mon cœur, altéroient ma tête, m’a fait prendre le parti de chercher dans un peu de voyages & d’herborisations, les amusemens & distractions dont j’avois besoin ; & le patron de la casé ayant approuvé cette idée, je l’ai suivie ; j’apporte avec moi mon herbier & quelques livres avec lesquels je me propose de faire quelques pélerinages de botanique. Je souhaiterois, mon cher hôte, que la relation de mes trouvailles pût contribuer à vous amuser ; j’en aurois encore plus de plaisir à les faire. Je vous dirai par exemple, qu’étant allé hier voir Madame Boy de la Tour à sa campagne, j’ai trouvé dans sa vigne beaucoup d’aristoloche que je n’avois jamais