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LETTRE AU MÊME.

24 Mars 1768.

En fin je respire ; vous aurez la paix, & vous l’aurez avec un garant sûr qu’elle sera solide, savoir l’estime publique & celle de vos Magistrats, qui vous traitant jusqu’ici comme un peuple ordinaire, n’ont jamais pris sur ce faux préjugé que de fausses mesures. Ils doivent être enfin guéris de cette erreur, & je ne doute pas que le discours tenu par le Procureur Général en Deux-Cent ne soit sincere. Cela posé, vous devez espérer que l’on ne tentera de long-tems de vous surprendre, ni de tromper les Puissances étrangeres sur votre compte ; ces deux moyens manquant, je n’en vois plus d’autres pour vous asservir. Mes dignes amis, vous avez pris les seuls moyens contre lesquels la force même perd son effet ; l’union, la sagesse & le courage. Quoi que puissent faire les hommes, on est toujours libre quand on sait mourir.

Je voudrois à présent que de votre côté vous ne fissiez pas à demi les choses, & que la concorde une fois rétablie ramenât la confiance & la subordination aussi pleine & entiere, que s’il n’y eût jamais eu de dissention. Le respect pour les Magistrats fait dans les Républiques la gloire des citoyens, & rien n’est si beau que de savoir se soumettre après avoir prouvé qu’on savoit résister. Le peuple de Geneve s’est toujours distingué par ce respect pour ses chefs qui le rend lui-même si respectable.