LETTRE À M. D’IVERNOIS.
Trye le 29 Janvier 1768.
J’ai reçu, mon digne ami, votre paquet du 22, & il me seroit également parvenu sous l’adresse que je vous ai donnée, quand vous n’auriez pas pris l’inutile précaution de la double enveloppe, sous laquelle il n’est pas même à propos que le nom de votre ami paroisse en aucune façon. C’est avec le plus sensible plaisir que j’ai enfin appris de vos nouvelles : mais j’ai été vivement ému de l’envoi de votre famille à Lausanne ; cela m’apprend assez à quelle extrémité votre pauvre ville, & tant de braves gens dont elle est pleine, sont à la veille d’être réduits. Tout persuadé que je fois que rien ici-bas ne mérite d’être acheté au prix du sang humain, & qu’il n’y a plus de liberté sur la terre que dans le cœur de l’homme juste, je sens bien toutefois qu’il est naturel à des gens de courage qui ont vécu libres, de préférer une mort honorable à la plus dure servitude. Cependant, même dans le cas le plus clair de la juste défense de vous-mêmes, la certitude où je suis, qu’eussiez-vous pour un moment l’avantage, vos malheurs n’en seroient ensuite que élus grands & plus surs, me prouve qu’en tout état de causé les voies de fait ne peuvent jamais vous tirer de la situation critique où vous êtes, qu’en aggravant vos malheurs. Puis, donc que perdus de toutes façons, supposé qu’on ose pousser la chose à l’extrême, vous êtes prêts