Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/615

Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRE À MLLE. DEWES.

Le 25 Janvier 1768.

Si je vous ai laissé, ma belle voisine, une empreinte que vous avez bien gardée, vous m’en avez laissé une autre que j’ai gardée encore mieux. Vous n’avez mon cachet que sur un papier qui peut se perdre, mais j’ai le vôtre empreint dans mon cœur d’où rien ne peut l’effacer. Puisqu’il étoit certain que j’emportois votre gage, & douteux que vous eussiez conservé le mien, c’étoit moi seul qui dois desirer de vérifier la chose ; c’est moi seul qui perds à ne l’avoir pas fait. Ai-je donc besoin, pour mieux sentir mon malheur, que vous m’en fassiez encore un crime ? cela n’est pas trop humain. Mais votre souvenir me console de vos reproches ; j’aime mieux vous savoir injuste qu’indifférente, & je voudrois être grondé de vous tous les jours au même prix. Daignez donc, ma belle voisine, ne pas oublier tout-à-fait votre esclave, & continuer à lui dire quelquefois ses vérités. Pour moi, si j’osois à mon tour vous dire les vôtres, vous me trouveriez trop galant pour un barbon. Bonjour, ma belle voisine, puissiez-vous bientôt, sous les auspices du cher & respectable oncle, donner un pasteur à vos brebis de Calwich.