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de l’entreprise, il ne négligeoit pas celles qui devoient lui donner la primauté dans le Corps qu’il vouloit instituer.

De plus ; ses apprets ne se bornoient point à former au dehors des Lignes redoutables, ni à contracter alliance avec ses voisins & ceux de son ennemi. En intéressant tant de peuples à l’abaissement du premier Potentat de l’Europe, il n’oublioit pu de se mettre en état par lui-même de le devenir à son tour. Il employa quinze ans de paix à faire des préparatifs dignes de l’entreprise qu’il méditoit. Il remplit d’argent ses coffres, ses arsenaux d’artillerie, d’armes, de munitions ; il ménagea de loin des ressources pour les besoins imprévus ; mais il fit plus que tout cela sans doute, en gouvernant sagement ses Peuples, en déracinant insensiblement toutes les semences de divisions, & en mettant un si bon ordre à ses finances qu’elles pussent fournir à tout sans fouler ses sujets ; de sorte que tranquille au-dedans & redoutable au-dehors, il se vit en état d’armer & d’entretenir soixante mille hommes & vingt vaisseaux de guerre, de quitter son Royaume sans y laisser la moindre source de désordre, & de faire la guerre durant six ans sans toucher à ses revenus ordinaires ni mettre un sou de nouvelles impositions.

À tant de préparatifs, ajoutez, pour la conduite de l’entreprise le même zele & la même prudence qui l’avoient formée tant de la part de son Ministre que de la sienne. Enfin à la tête des expéditions militaires un Capitaine tel que lui, tandis que son adversaire n’en avoit plus à lui opposer, & vous jugerez si rien de ce qui peut annoncer un heureux succès manquoit à l’espoir du sien. Sans avoir pénétré ses vues, l’Europe