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LETTRE À M. GRANVILLE.

Wootton, Février 1767.

Je crois, Monsieur,, la tisanne du Médecin Espagnol meilleure & plus saine que le bouillon rouge du Médecin François la provision de miel n’est pas moins bonne, & si les Apothicaires fournissoient d’aussi bonnes drogues que vous, ils auroient bientôt ma pratique ; mais, badinage à part, que j’aye avec vous un moment d’explication sérieuse.

Jadis j’aimois avec passion la liberté, l’égalité, & voulant vivre exempt des obligations dont je ne pouvois m’acquitter en pareille monnoie, je me refusois aux cadeaux mêmes de mes amis, ce qui m’a souvent attiré bien des querelles. Maintenant j’ai changé de goût, & c’est moins la liberté que la paix que j’aime : je soupire incessamment après elle ; je la préfere désormais à tout ; je la veux à tout prix avec mes amis ; je la veux même avec mes ennemis s’il est possible. J’ai donc résolu d’endurer désormais des uns tout le bien, & des autres tout le mal qu’ils voudront me faire, sans disputer, sans défendre, & sans leur résister en quelque façon que soit. Je me livre à tous pour faire de moi, soit pour, soit contre entièrement à leur volonté : ils peuvent tout, hors de m’engager dans une dispute, ce qui très-certainement n’arrivera plus de mes jours. Vous voyez, Monsieur, d’après cela combien vous avez beau jeu avec moi dans les cadeaux continuels