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Je ne ferai point de commentaires sur ce fait ; mais convenez qu’il donne à penser. Ô mon cher Monsieur Guy, faut-il donc mourir dans ces contrées éloignées, sans revoir jamais la face, d’un ami sûr, dans le sein duquel je puise épancher mon cœur.

LETTRE AU LORD MARÉCHAL.

Le 8 Février 1767.

Quoi, Mylord, pas un seul mot de vous ? Quel silence, & qu’il est cruel ! Ce n’est pas le pis encore. Madame la Duchesse de Portland m’a donné les plus grandes alarmes en me marquant que les papiers publics vous avoient dit fort mal, & me priant de lui dire de vos nouvelles. Vous connoissez mon cœur, vous pouvez juger de mon état ; craindre à la fois pour votre amitié & pour votre vie, ah ! c’en est trop. J’ai écrit aussi-tôt à M. Rougemont pour avoir de vos nouvelles ; il m’a marqué qu’en effet vous aviez été fort malade, mais que vous étiez mieux. Il n’y a pas là de quoi me rassurer assez, tant que je ne recevrai rien de vous. Mon protecteur, mon bienfaiteur, mon ami, mon pere, aucun de ces titres ne pourra-t-il vous émouvoir ? Je me prosterne à vos pieds pour vous demander un seul mot. Que voulez-vous que je marque à Madame de Portland ? Lui dirai-je : Madame, Mylord Maréchal m’aimoit, mais il me trouve trop malheureux pour m’aimer encore, il ne m’écrit plus ? La plume me tombe des mains.