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daignez vous justifier : si vous ne l’êtes pas, adieu pour jamais.

LETTRE À MYLORD MARÉCHAL.

Le 20 Juillet 1766.

La derniere lettre, Mylord, que j’ai reçue de vous étoit du 25 Mai. Depuis ce tems j’ai été forcé de déclarer mes sentimens à M. Hume ; il a voulu une explication ; il l’a eue, j’ignore l’usage qu’il en sera. Quoi qu’il en soit, tout est dit désormais entre lui & moi. Je voudrois vous envoyer copie des lettres, mais c’est un livre pour la grosseur. Mylord, le sentiment cruel que nous ne nous verrons plus, charge mon cœur d’un poids insupportable. Je donnerois la moitié de mon sang pour vous voir un seul quart-d’heure encore une fois en ma vie. Vous savez combien ce quart-d’heure me seroit doux, mais vous ignorez combien il me seroit important.

Après avoir bien réfléchi sur ma situation présente, je trouvé qu’un seul moyen possible de m’assurer quelque repos sur mes derniers jours. C’est de me faire oublier des hommes aussi parfaitement que si je n’existois plus, si tant est qu’on puisse appeller existence un reste de végétation inutile à soi-même & aux autres, loin de tout ce qui nous est cher. En conséquence de cette résolution, j’ai pris celle de rompre toute correspondance hors les cas d’absolue nécessité. Je cesse désormais d’écrire & de répondre à qui que ce soit. Je ne fais