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lui-même, & dans laquelle je ne dis pas un mot de lui ; enfin mon refus, sans daigner m’adresser à lui, d’acquiescer à une affaire qu’il a traitée en ma faveur, moi le sachant, & sans opposition de ma part ; tout cela parle seul du ton le plus fort, je ne dis pas à tout homme qui auroit quelque sentiment dans l’ame, mais à tout homme qui n’est pas hébété.

Quoi ! après que j’ai rompu tout commerce avec lui depuis près de trois mois, après que je n’ai répondu à pas une de ses lettres, quelqu’important qu’en fût le sujet, environné des marques publiques & particulieres de l’affliction que son infidélité me cause, cet homme éclairé, ce beau génie naturellement si clair-voyant & volontairement si stupide, ne voit rien, n’en-tend rien, ne sent rien, n’est ému de rien, & sans un seul mot de plainte, de justification, d’explication, il continue à se donner, malgré moi, pour moi les soins les plus grands ; les plus empressés ! Il m’écrit affectueusement qu’il ne peut rester à Londres plus long-tems pour mon service, comme si nous étions d’accord qu’il y restera pour cela ! Cet aveuglement, cette impassibilité, cette obstination ne sont pas dans la nature, il faut expliquer cela par d’autres motifs. Mettons cette conduite dans un plus grand jour, car c’est un point décisif.

Dans cette affaire, il faut nécessairement que M. Hume soit le plus grand ou le dernier des hommes, il n’y a pas de milieu. Reste à voir lequel c’est des deux.

Malgré tant de marques de dédain de ma part, M. Hume avoir-il l’étonnante générosité de vouloir me servir sincérement ? Il savoit qu’il m’étoit impossible d’accepter ses bons