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commerce. Curieux au dernier point du détail de mes moindres affaires, il ne s’étoit pas borné à s’en informer de moi dans nos entretiens, mais j’appris qu’après avoir commencé par faire avouer à ma gouvernante qu’elle en étoit instruite, il n’avoit pas laissé échapper avec elle un seul tête-à-tête sans l’interroger jusqu’à l’importunité sur mes occupations, sur mes ressources, sur mes amis, sur mes connoissances, sur leurs noms, leur état, leur demeure, & avec une adresse jésuitique, il avoit demandé séparément les mêmes choses à elle & à moi. On doit prendre intérêt aux affaires d’un ami, mais on doit se contenter de ce qu’il veut nous en dire, sur-tout quand il est aussi ouvert, aussi confiant que moi, & tout ce cailletage de commerce, convient, on ne peut pas plus mal, à un Philosophe.

Dans le même tems je reçois encore deux lettres qui ont été ouvertes. L’une de M. Boswell, dont le cachet étoit en si mauvais état que M. Davenport, en la recevant, le fit remarquer au laquais de M. Hume ; & l’autre de M. d’Ivernois, dans un paquet de M. Hume, laquelle avoit été recachetée au moyen d’un fer chaud qui, mal-adroitement appliqué, avoit brûlé le papier autour de l’empreinte. J’écrivis à M. Davenport pour le prier de garder par devers lui toutes les lettres qui lui seroient remises pour moi, & de n’en remettre aucune à personne, sous quelque prétexte que ce fût. J’ignore si M. Davenport,, bien éloigné de penser que cette précaution pût regarder M. Hume, lui montra ma lettre ; mais je sais que tout disoit à celui-ci qu’il avoit perdu ma confiance, & qu’il n’en alloit pas moins son train sans s’embarrasser de la recouvrer.