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J’ai parlé jusqu’ici de faits publics & notoires, qui par leur nature & par ma reconnoissance ont eu le plus grand éclat. Ceux qui me restent à dire sont, non-seulement particuliers, mais secrets, du moins dans leur cause, & l’on a pris toutes les mesures possibles pour qu’ils restassent cachés au Public ; mais, bien connus de la personne intéressée, ils n’en operent pas moins sa propre conviction.

Peu de tems après notre arrivée à Londres, j’y remarquai dans les esprits, à mon égard, un changement sourd qui bientôt devint très-sensible. Avant que je vinsse en Angleterre, elle étoit un des pays de l’Europe où j’avois le plus de réputation, j’oserois presque dire de considération. Les Papiers publics étoient pleins de mes éloges, & il n’y avoit qu’un cri contre mes persécuteurs. Ce ton se soutint à mon arrivée ; les papiers l’annoncerent en triomphe ; l’Angleterre s’honoroit d’être mon refuge ; elle en glorifioit avec justice ses loix & son Gouvernement. Tout-à-coup, & sans aucune cause assignable, ce ton change, mais si fort & si vite que dans tous les caprices du public, on n’en voit gueres de plus étonnant. Le signal fut donné dans un certain Magasin, aussi plein d’inepties que de mensonges, où l’Auteur bien instruit ou feignant de l’être me donnoit pour fils de Musicien. Dès ce moment les imprimés ne parlerent plus de moi que d’une maniere équivoque ou malhonnête. Tout ce qui avoit trait à mes malheurs étoit déguisé, altéré, présenté sous un faux jour, & toujours le moins à mon avantage qu’il étoit possible. Loin de parler de l’accueil que j’avois reçu à Paris, & qui n’avoir fait que trop de bruit, on ne supposoit pas même que j’eusse osé paroître