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ceux qui trament des noirceurs est de se mettre à couvert des preuves juridiques ; il ne seroit pas bon leur intenter procès. La conviction intérieure admet un autre genre de preuves qui reglent les sentimens d’un honnête homme. Vous saurez sur quoi sont fondés les miens.

Vous demandez avec beaucoup de confiance qu’on vous nomme votre accusateur. Cet accusateur, Monsieur, est le seul homme au monde qui, déposant contre vous, pouvoit se faire écouter de moi ; c’est vous-même. Je vais me livrer sans réserve & sans crainte à mon caractere ouvert ; ennemi de tout artifice,. je vous parlerai avec la même franchise que si vous étiez un autre en qui j’eusse toute la confiance que je n’ai plus en vous. Je vous ferai l’histoire des mouvemens de mon ame & de ce qui les a produits, & nommant M. Hume en tierce personne, je vous ferai juge vous-même de ce que je dois penser de lui. Malgré la longueur de ma lettre, je n’y suivrai point d’autre ordre que celui de mes idées, commençant par les indices & finissant par la démonstration.

Je quittois la Suisse, fatigué de traitemens barbares, mais qui du moins ne mettoient en péril que ma personne & laissoient mon honneur en sureté. Je suivois les mouvemens de mon cœur pour aller joindre Mylord Maréchal, quand je reçus à Strasbourg de M. Hume l’invitation la plus tendre de passer avec lui en Angleterre où il me promettoit l’accueil le plus agréable, & plus de tranquillité que je n’y en ai trouvé. Je balançai entre l’ancien ami & le nouveau, j’eus tort ; je préférai ce dernier, j’eus plus grand tort : mais le desir de connoître par moi-même une Nation célebre, dont on me disoit tant de