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apparence, soit le fruit du désespoir ; j’ai l’esprit très-calme en ce moment ; je me suis donné le tems d’y bien penser, & c’est d’après la profonde considération de mon état que je m’y détermine. Considérez, je vous supplie, que si ce parti est extraordinaire, ma situation l’est encore plus ; rues malheurs sont sans exemple ; la vie orageuse que je mene sans relâche, depuis plusieurs années, seroit terrible pour un homme en santé ; jugez ce qu’elle doit être pour un pauvre infirme, épuisé de maux & d’ennuis, & qui n’aspire qu’à mourir en paix. Toutes les passions sont éteintes dans mon cœur ; il n’y reste que l’ardent desir du repos & de la retraite ; je les trouverois dans l’habitation que je demande. Délivré des importuns, à couvert de nouvelles catastrophes, j’attendrois tranquillement la derniere, & n’étant plus instruit de ce qui se passe dans le monde, je ne serois plus attristé de rien. J’aime la liberté sans doute, mais la mienne n’est point au pouvoir des hommes & ce ne seront ni des murs ni des clefs qui nie l’ôteront. Cette captivité, Monsieur, me paroît si peu terrible, je sens si bien que je jouirois de tout le bonheur que je puis encore espérer dans cette vie, que c’est par-là même que, quoiqu’elle doive délivrer mes ennemis de toute inquiétude à mon égard, je n’ose espérer de l’obtenir ; mais je ne veux rien avoir à me reprocher vis-à-vis de moi, non plus que vis-à-vis d’autrui. Je veux pouvoir me rendre le témoignage, que j’ai tenté tous les moyens praticables & honnêtes qui pouvoient m’assurer le, repos, & prévenir les nouveaux orages qu’on me force d’aller chercher.

Je connois, Monsieur, les sentimens d’humanité dont votre