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Vous savez, Monsieur, ce qui se passa dans le Consistoire en mon absence, comment s’y fit la lecture de ma lettre, & les propos qu’on y tint pour en empêcher l’effet. Vos mémoires là-dessus vous viennent de la bonne source. Concevez-vous qu’après cela M. de M. change tout-à-coup d’état & de titre, & que s’étant fait commissaire de la Classe pour solliciter l’affaire, il redevienne aussi-tôt Pasteur pour la juger. J’agissois, dit-il, comme Pasteur, comme Chef du Consistoire, & non comme représentant de la vénérable Classe. C’étoit bien tard changer de rôle après en avoir fait jusqu’alors un si différent. Craignons, Monsieur, les gens qui sont si volontiers deux personnages dans la même affaire. Il est rare que ces deux en fassent un bon.

Il appuye la nécessité de sévir sur le scandale causé par mon livre. Voilà des scrupules tout nouveaux qu’il n’eut point du tems de l’Emile. Le scandale fut tout aussi grand pour le moins : les gens d’Eglise & les gazetiers ne firent pas moins de bruit. On brûloir, on brayoit, on m’insultoit par toute l’Europe. M. de M. trouve aujourd’hui des raisons de m’excommunier dans celles qui ne l’empêcherent pas alors de m’admettre. Son zele, suivant le précepte, prend toutes les formes pour agir selon les tems & les lieux. Mais qui est-ce, je vous prie, qui excita dans sa paroisse le scandale dont il se plaint au sujet de mon dernier livre ? Qui est-ce qui affectoit d’en faire un bruit affreux & par soi-même & par des gens apostés ? Qui est-ce, parmi tout ce peuple si saintement forcené, qui auroit su que j’avois commis le crime énorme de prouver que le Conseil de Geneve m’avoit condamné à tort, si l’on n’eût pris soin de le