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d’oser afficher une si claire prévarication ! Car patrons telle condamnation qu’on voudra sur les Lettres de la Montagne ; en diront-elles, enfin, plus que l’Emile, après lequel j’ai été, non pas laissé, mais admis à la table sacrée ? plus que la lettre à M. de BEAUMONT sur laquelle on ne m’a pas dit un seul mot ? Qu’elles ne soient si l’on veut qu’un tissu d’erreurs, que s’ensuivra-t-il ? qu’elles ne m’ont point justifié, & que l’auteur d’Emile demeure inexcusable ; mais jamais que celui des Lettres écrites de la Montagne doive en particulier être condamné. Après avoir fait grace à un homme du crime dont on l’accuse, le punit-on pour s’être mal défendu ? Voilà pourtant ce que fait ici M. de M. ; & je le défie, lui & tous ses confreres de citer dans ce dernier ouvrage aucun des sentimens qu’ils censurent, que je ne prouve être plus fortement établi dans les précédens.

Mais excité sous main par d’autres gens il saisit le prétexte qu’on lui présente ; sûr qu’en criant à tort & à travers à l’impie on met toujours le peuple en fureur, il sonne après-coup le tocsin de Motiers sur un pauvre homme pour s’être osé défendre chez les Genevois, & sentant bien que le succès seul pouvoit le sauver du blâme, il n’épargne rien pour se l’assurer. Je vis à Motiers, je ne veux point parler de ce qui s’y passe, vous le savez aussi bien que moi ; personne à Neufchâtel ne l’ignore ; les étrangers qui viennent le voient, gémissent ; & moi je me tais.

M. de M. s’excuse sur les ordres de la Classe. Mais supposons les exécutés par des voies légitimes ; si ces ordres étoient justes comment avoit-il attendu si tard à le sentir ? comment ne les prévenoit-il point lui-même que cela regardoit spécialement ? comment après avoir lu & relu les Lettres de la Montagne n’y