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efforts pour savoir quelles relations je pouvois avoir eues en Corse, il n’a pu là-dessus, m’arracher un seul mot. Comme il ne m’a point apporté de lettres, & qu’il n’a voulu ni se nommer, ni me donner la moindre notion de lui, je l’ai remercié des visites qu’il vouloit continuer de me faire. Il n’a pas laissé de passer encore ici dix ou douze jours sans me revenir voir. J’ignore ce qu’il y a fait. On m’apprend qu’il est reparti d’hier.

Vous vois imaginez bien, Madame, qu’il n’est plus question pour moi de la Corse, tant à cause de l’état où je me trouve, que par mille raisons qu’il vous est aisé d’imaginer. Ces Messieurs, dont vous me parlez,*

[*Messieurs Helvetius & Diderot, auxquels les Corses, disoit-on, s’étoient adressés pour avoir un plan de législation.] ont de la santé, du pain, du repos ; ils ont la tête libre, & le cœur épanoui par le bien-être ; ils peuvent méditer & travailler à leur aise ; selon toute apparence les troupes Françoises, s’ils vont dans le pays, ne maltraiteront point leurs personnes, & s’ils n’y vont pas, n’empêcheront point leur travail. Je desire passionnément voir une législation de leur façon : mais j’avoue que j’ai peine à voir quel fondement ils pourroient lui donner en Corse : car malheureusement les femmes de ce pays-là sont très-laides ; & très-chastes, qui pis est.

Que mon voyage projetté n’aille pas, Madame, vous faire renoncer au vôtre. J’en ai plus besoin que jamais, & tout peut très-bien s’arranger, pourvu que vous veniez au commencement ou à la fin de la belle saison. Je compte ne partir qu’à la fin de Mai, & revenir au mois de Septembre.