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qu’une. On pourroit d’abord jetter les fondemens, puis élever plus à loisir l’édifice ; mais cela suppose un plan déjà fait, & c’est pour tracer ce plan même qu’il faut le plus méditer. D’ailleurs, il est à craindre qu’un établissement imparfait ne fasse plus sentir ses embarras que ses avantages, & que cela ne dégoûte le peuple de l’achever. Voyons toutefois ce qui se peut faire : les mémoires dont j’ai besoin, reçus, il me faut bien six mois pour m’instruire, & autant au moins pour digérer mes instructions ; de sorte que, du printems prochain en un an, je pourrois proposer mes premieres idées sur une forme provisionnelle, & au bout de trois autres années mon plan complet d’institution. Comme on ne doit promettre que ce qui dépend de soi, je ne suis pas sur de mettre en état mon travail en si peu de tems ; mais je suis si sûr de ne pouvoir l’abréger, que s’il faut rapprocher un de ces deux termes il vaut mieux que je n’entreprenne rien.

Je suis charmé du voyage que vous faites en Corse dans ces circonstances ; il ne peut que nous être très-utile. Si, comme je n’en doute pas, vous vous y occupez de notre objet, vous verrez mieux ce qu’il faut me dire que je ne puis voir ce que je dois vous demander. Mais, permettez-moi une curiosité que m’inspirent l’estime & l’admiration. Je voudrois savoir tout ce qui regarde M. Paoli ; quel âge a-t-il ? est-il marié ?a-t-il des enfans ? où a-t-il appris l’art militaire ? comment le bonheur de sa nation l’a-t-il mis à la tête de ses troupes ? quelles fonctions exerce-t-il dans l’administration politique & civile ? ce grand homme se résoudroit-il à n’être que citoyen dans sa patrie après en avoir été le sauveur ? Sur-tout parlez-moi sans