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ceux-ci de ces principes de la politique moderne, qu’il seroit à desirer que tous les hommes de votre rang blâmassent ainsi que vous. Aussi, quoique l’Abbé de Mably soit un honnête homme rempli de vues très-saines, j’ai pourtant été surpris de le voir s’élever dans ce dernier ouvrage, à une morale si pure & si sublime. C’est pour cela, sans doute, que ces entretiens, d’ailleurs très-bien faits, n’ont eu qu’un succès médiocre en France ; mais ils en ont eu un très-grand en Suisse, où je vois avec plaisir qu’ils ont été réimprimés.,

J’ai le cœur plein de vos deux dernieres lettres. Je n’en reçois pas une qui n’augmente mon respect, & si j’ose le dire, mon attachement pour vous. L’homme vertueux, le grand homme élevé par les disgraces, me fait tout-à-fait oublier le Prince & le frere d’un Souverain ; & vu l’antipathie pour cet état qui m’est naturelle, ce n’est pas peu de m’avoir amené là. Nous pourrions bien cependant, n’être pas toujours de même avis en toute chose, & par exemple, je ne suis pas trop convaincu qu’il suffise, pour être heureux, de bien remplir les devoirs de son emploi. Surement Turenne en brûlant le Palatinat, par l’ordre de son Prince, ne jouit oit pas du vrai bonheur ; & je ne crois pas que les Fermiers-Généraux les plus appliqués autour de leur tapis verd, en jouissent davantage : mais si ce sentiment est une erreur, elle est plus belle en vous que la vérité même ; elle est digne de qui fut se choisir un état, dont tous les devoirs sont des vertus.

Le cœur me bat à chaque ordinaire, dans l’attente du moment desiré qui doit tripler votre être. Tendres époux que vous êtes heureux ! que vous allez le devenir encore, en voyant