LETTRE
À MADEMOISELLE G.
En lui envoyant un lacet.
Ce présent, ma bonne amie, vous fut destiné du moment
que j’eus le bien de vous connoître, & quoi qu’en pût dire
votre modestie, j’étois sûr qu’il auroit dans peu son emploi.
La récompense suit de près la bonne œuvre. Vous étiez cet
hiver garde-malade, & ce printems Dieu vous donne un mari ;
vous lui serez charitable, & Dieu vous donnera des enfans ;
vous les éleverez en sage mere, & ils vous rendront heureuse
un jour. D’avance vous devez l’être par les soins d’un époux
aimable & aimé, qui saura vous rendre le bonheur qu’il attend
de vous. Tout ce qui promet un bon choix m’est garant du
vôtre ; des liens d’amitié formés dès l’enfance, éprouvés par
le tems, fondés sur la connoissance des caracteres, l’union des
cœurs que le mariage affermit, mais ne produit pas, l’accord
des esprits où des deux parts la bonté domine ; & où la gaîté
de l’un, la solidité de l’autre se tempérant mutuellement, rendront
douce & chere à tous deux l’austere loi, qui fait succéder
aux jeux de l’adolescence des soins plus graves, mais plus touchans.
Sans parler d’autres convenances, voilà de bonnes raisons
de compter pour toute la vie sur un bonheur commun
dans l’état où vous entrez, & que vous honorerez par votre
conduite. Voir vérifier un augure si bien fondé, sera, chere