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nous y ramene malgré que nous en ayons. Vous convenez d’avoir passé des heures très-douces en m’écrivant, & me parlant de vous. Il est étonnant que cette expérience ne vous mette pas sur la voie, & ne vous apprenne pas où vous devez chercher, sinon le bonheur, au moins la paix.

Cependant, quoique mes idées en ceci different beaucoup des vôtres, nous sommes à-peu-près d’accord sur ce que vous devez faire. L’étude est désormais pour vous la lance d’Achille, qui doit guérir la blessure qu’elle a faite. Mais vous ne voulez qu’anéantir la douleur, & ôter la cause du mal. Vous voulez vous distraire de vous par la philosophie ; moi, je voudrois qu’elle vous détachât de tout, & vous rendît à vous-même. Soyez sure que vous ne serez contente des autres que quand vous n’aurez plus besoin d’eux, & que la société ne peut vous devenir agréable, qu’en cessant de vous être nécessaire. N’ayant jamais à vous plaindre de ceux dont vous n’exigerez rien, c’est vous alors qui leur serez nécessaire ; & sentant que vous vous suffisez à vous-même, ils vous sauront gré du mérite que vous voulez bien mettre en commun. Ils ne croiront plus vous faire grace ; ils la recevront toujours. Les agrémens de la vie vous rechercheront, par cela seul, que vous ne les rechercherez pas ; & c’est alors que, contente de vous, sans pouvoir être mécontente des autres, vous aurez un sommeil paisible, & un réveil délicieux.

Il est vrai que des études faites dans des vues si contraires, ne doivent pas beaucoup se ressembler, & il y a bien de la différence entre la culture qui orne l’esprit, & celle qui nourrit l’ame. Si vous aviez le courage de goûter un projet, dont