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LETTRE À M. L. P. L. E. D E W.

11 Mars 1764.

Qui, moi ? Des contes ! à mon âge & dans mon état ? Non, Prince, je ne suis plus dans l’enfance ou plutôt je n’y suis pas encore, & malheureusement je ne suis pas si gai dans mes maux que Scarron l’étoit dans les siens. Je dépéris tous les jours, j’ai des comptes à rendre, & point de contes à faire. Ceci m’a bien l’air d’un bruit préliminaire répandu par quelqu’un qui veut m’honorer d’une gentillesse de sa façon. Divers auteurs non contens d’attaquer mes sottises, se sont mis à m’imputer les leurs. Paris est inondé d’ouvrages qui portent mon nom, & dont on a soin de faire des chefs-d’œuvres de bêtise, sans doute afin de mieux tromper les lecteurs. Vous n’imagineriez jamais quels coups détournés on porte à ma réputation, à mes mœurs, à mes principes ; en voici un qui vous sera juger des autres.

Tous les amis de M. de Voltaire répandent à Paris qu’il s’intéresse tendrement à mon sort, (& il est vrai qu’il s’y intéresse.) Ils sont entendre qu’il avec moi dans la plus intime liaison. Sur ce bruit, une femme qui ne me connoît point me demande par écrit quelques éclaircissemens sur la Religion, & envoie sa lettre à M. de Voltaire, le priant de me la faire passer. M. de Voltaire garde la lettre qui m’est