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QUATRE LETTRES À M. L’A. DE****.

Motiers-Travers le 27 Novembre 1763.

J’ai reçu, Monsieur, la lettre obligeante dans laquelle votre honnête cœur s’épanche avec moi. Je suis touché de vos sentimens & reconnoissant de votre zele ; mais je ne vois pas bien sur quoi vous me consultez. Vous me dites : j’ai de la naissance dont je dois suivre la vocation, parce que mes parens le veulent ; apprenez-moi ce que je dois faire : je suis gentilhomme & veux vivre comme tel ; apprenez-moi toutefois à vivre en homme : j’ai des préjugés que je veux respecter ; apprenez-moi toutefois à les vaincre. Je vous avoue, Monsieur, que je ne sais pas répondre à cela.

Vous me parlez avec dédain des deux seuls métiers que la noblesse connoisse & qu’elle veuille suivre : cependant, vous avez pris un de ces métiers. Mon conseil est, puisque vous y êtes, que vous tâchiez de le faire bien. Avant de prendre un état, on ne peut trop raisonner sur son objet : quand il est pris, il en faut remplir les devoirs ; c’est alors tout ce qui reste à faire.

Vous vous dites sans fortune, sans biens, vous ne savez comment, avec de la naissance, (car la naissance revient toujours) vivre libre & mourir vertueux. Cependant, vous offrez un asyle à une personne qui m’est attachée ; vous m’assurez que Madame votre mere la mettra à son aise : le fils d’une Dame