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cas que j’ai spécifiés, & même on le doit dans le mien. Le ferment que j’ai fait envers elle, elle l’a fait envers moi. En violant ses engagemens, elle m’affranchit des miens, & en me les rendant ignominieux, elle me fait un devoir d’y renoncer.

Vous dites que si des Citoyens se présentoient au Conseil pour demander pareille chose, vous ne seriez pas surpris qu’on les incarcerât. Ni moi non plus, je n’en serois pas surpris ; parce que rien d’injuste ne doit surprendre de la part de quiconque a la force en main, Mais bien qu’une loi qu’on n’observa jamais, défende au Citoyen qui veut demeurer tel, de sortir sans congé du territoire ; comme on n’a pas besoin de demander l’usage d’un droit qu’on a, quand un Genevois veut quitter tout-à-fait sa Patrie, pour aller s’établir en pays étranger, personne ne songe à lui en faire un crime, & on ne l’incarcere point pour cela. Il est vrai qu’ordinairement cette renonciation n’est pas solemnelle, mais c’est qu’ordinairement ceux qui la sont, n’ayant pas reçu des affronts publics, n’ont pas besoin de renoncer publiquement à la société qui les leur a faits.

Monsieur, j’ai attendu, j’ai médité, j’ai cherché long-tems s’il y avoit quelque moyen d’éviter une démarche qui m’a déchire. Je vous avois confié mon honneur, ô Genevois, & j’étois tranquille ; mais vous avez si mal gardé ce dépôt que vous me forcez de vous l’ôter.

Mes bons anciens compatriotes que j’aimerai toujours malgré votre ingratitude, de grave ne me forcez pas, par vos propos durs & mal-honnêtes, de faire publiquement mon apologie. Espargnez-moi, dans ma misere, la douleur de me défendre à vos dépens.