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plaire à votre cœur. Cette contagion ne le gagnera pas ; n’est-ce pas, Madame ? Que ne lisez-vous dans le mien, l’attendrissement avec lequel il m’a dicté ce mot là ! L’heureux ne sait s’il est aimé, dit un Poete latin ; & moi j’ajoute, l’heureux ne fait pas aimer. Pour moi graces au ciel, j’ai bien fait toutes mes épreuves ; je sais à quoi m’en tenir sur le cœur des autres & sur le mien. Il est bien constaté qu’il ne me reste que vous seule en France, & quelqu’un qui n’est pas encore jugé, mais qui ne tardera pas à l’être.

S’il faut moins regretter les amis que l’adversité nous ôte ; que priser ceux qu’elle nous donne, j’ai plus gagné que perdu : car elle m’en a donné un qu’assurément elle ne m’ôtera pas. Vous comprenez que je veux parler de Mylord Maréchal. Il m’a accueilli, il m’a honoré dans mes disgraces’, plus peut-être qu’il n’eût fait durant ma prospérité. Les grandes ames ne portent pas seulement du respect au mérite ; elles en portent encore au malheur. Sans lui j’étois tout aux mal reçu dans ce pays que dans les autres, & je ne voyois plus d’asyle autour de moi. Mais un bienfait plus précieux que sa protection, est l’amitié dont il m’honore, & qu’assurément je ne perdrai point. Il me restera, celui-là ; j’en réponds. Je suis bien aise que vous m’ayez marqué ce qu’en pensoit M. D’A****. cela me prouve qu’il se connoît en hommes ; & qui s’y connoît, est de leur claire. Je compte aller voir ce digne protecteur, avant son départ pour Berlin : je lui parlerai de M. D’A****. & de vous, Madame ; il n’y a rien de si doux pour moi, que de voir ceux qui m’aiment, s’aimer entr’eux.

Quand des Quidams sous le nom de S***. ont voulu se porter