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moyen sûr d’en tirer la médecine universelle ; c’est de faire une bonne pension à Lorris ou à Bordeu.

Au-dessus de ce même village de Travers il se fit il y a deux ans une avalanche considérable & de la façon du monde la plus singuliere. Un homme qui habite au pied de la montagne avoit son champ devant sa fenêtre, entre la montagne & sa maison. Un matin qui suivit une nuit d’orage il fut bien surpris en ouvrant sa fenêtre de trouver un bois à la place de son champ ; le terrain s’éboulant tout d’une piece avoit recouvert son champ ; des arbres d’un bois qui étoit au-dessus, & cela, dit-on, fait entre les deux propriétaires le sujet d’un procès qui pourroit trouver place dans le recueil de Pittaval. L’espace que l’avalanche a mis à nud est fort grand & paroît de loin ; mais il faut en approcher pour juger de la force de l’éboulement, de l’étendue du creux, & de la grandeur des rochers qui ont été transportés. Ce fait récent & certain rend croyable ce que dit Pline d’une vigne qui avoit été ainsi transportée d’un côté du chemin à l’autre : mais rapprochons-nous de mon habitation.

J’ai vis-à-vis de mes fenêtres une superbe cascade, qui du haut de la montagne tombe par l’escarpement d’un rocher dans le vallon avec un bruit qui se fait entendre au loin, sur-tout quand les eaux sont grandes. Cette cascade est très-en vue mais ce qui ne l’est pas de même est une grotte à côté de son bassin de laquelle l’entrée est difficile, mais qu’on trouve au-dedans assez espacée, éclairée par une fenêtre naturelle, ceintrée en tiers-point, & décorée d’un ordre d’Architecture qui n’est ni Toscan, ni Dorique, mais l’ordre de la nature