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n’est pas riante, & ces sapins si grands, si beaux quand on, est dessous ne paroissant au loin que des arbrisseaux, ne promettent ni l’asyle, ni l’ombre qu’ils donnent ; le fond du vallon, presque au niveau de la riviere semble n’offrir à ses deux bords qu’un large marais où l’on ne sauroit marcher ; la réverbération des rochers n’annonce pas dans un lieu sans arbres une promenade bien fraîche quand le soleil luit ; si-tôt qu’il se couche il laisse à peine un crépuscule, & la hauteur des monts interceptant toute la lumiere fait passer presque à l’instant du jour à la nuit.

Mais si la premiere impression de tout cela n’est pas agréable, elle change insensiblement par un examen plus détaillé, & dans un pays où l’on croyoit avoir tout vu du premier coup-d’œil, on se trouve avec surprise environné d’objets chaque jour plus intéressans. Si la promenade de la vallée est un peu uniforme elle est en revanche extrêmement commode ; tout y est du niveau le plus parfait, les chemins y sont unis comme des allées de jardin ; les bords de la riviere offrent par places de larges pelouses d’un plus beau verd que les gazons du Palais-Royal, & l’on s’y promene avec délices le long de cette belle eau, qui dans le vallon prend un cours paisible en quittant ses cailloux & ses rochers qu’elle retrouve au sortir du Val-de-Travers. On a proposé de planter ses bords de Saules & de Peupliers pour donner durant la chaleur du jour de l’ombre au bétail désolé par les mouches. Si jamais ce projet s’exécute, les bords de la Reuse deviendront aussi charmans que ceux du Lignon, & il ne leur manquera plus que des Astrées, des Silvandres & un d’Urfé.