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le représenter comme je l’ai trouvé en y arrivant ; & non comme je le vois aujourd’hui, sans quoi l’intérêt que vous prenez à moi m’empêcheroit de vous en rien dire.

Figurez-vous donc un vallon d’un e bonne demi-lieue de large & d’environ deux lieues de long, au milieu duquel passe une petite riviere appellée la Reuse dans la direction du Nordouest au Sud-est. Ce vallon formé par deux chaînes de montagnes qui sont des branches du Mont-Jura & qui se resserrent par les deux bouts, reste pourtant allez ouvert pour laisser voir au loin ses prolongemens, lesquels divisés en rameaux par les bras des montagnes offrent plusieurs belles perspectives. Ce vallon, appellé le Val-de-Travers du nom d’un village qui est à son extrémité orientale, est garni de quatre, ou cinq autres villages à peu de distance les uns des autres ; celui de Motiers qui forme le milieu est dominé par un vieux château désert dont le voisinage & la situation solitaire & sauvage m’attirent souvent dans mes promenades du matin, d’autant plus que je puis sortir de ce côté par une porte de derriere sans passer par la rue ni devant aucune maison. On dit que les bois & les rochers qui environnent ce château sont fort remplis de viperes ; cependant, ayant beaucoup parcouru tous les environs & m’étant assis à toutes sortes de places, je n’en point vu jusqu’ici.

Outre ces villages, on voit vers le bas des montagnes plusieurs maisons éparses qu’on appelle des Prises, dans lesquelles on tient des bestiaux & dont plusieurs sont habitées par les propriétaires, la plupart paysans. Il y en a une entr’autres à mi-ôte nord, par conséquent exposée au midi sur une terrasse