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coûté si cher. Je savois qu’on ne pouvoit dire impunément la vérité dans ce siecle, ni peut-être dans aucun autre ; je m’attendois à souffrir pour la cause de Dieu ; mais je ne m’attendois pas, je l’avoue, aux traitemens inouis que je viens d’éprouver. De tous les maux de la vie humaine, l’opprobre &, les affronts sont les seuls auxquels l’honnête homme n’est point préparé. Tant de barbarie & d’acharnement m’ont surpris au dépourvu Calomnié publiquement par des hommes établis, pour venger l’innocence ; traité comme un malfaiteur dans mon propre pays que j’ai tâché d’honorer ; poursuivi, chassé d’asyle en asyle, sentant à la fois mes propres maux & la honte de ma patrie, j’avois l’âme émue & troublée, j’étois découragé sans vous. Homme illustre & respectable, vos consolations m’ont fait oublier ma misere, vos discours ont éleve mon cœur, votre estime m’a mis en état d’en demeurer toujours digne ; j’ai plus gagné par votre bienveillance que je n’ai perdu par mes malheurs. Vous me la conserverez, Monsieur, je l’espere, malgré les hurlemens du fanatisme & les adroites noirceurs de l’impiété. Vous êtes trop vertueux pour me haïr d’oser croire en Dieu, & trop sage pour me punir d’user de raison qu’il m’a donnée.