jugez-moi sur tout ce fatras si j’en vaux la peine, car je n’y saurois mettre plus d’ordre, & je n’ai pas le courage de recommencer ; si ce tableau trop véridique m’ôte votre bien-veillance, j’aurai cessé d’usurper ce qui me m’appartenoit pas ; mais si je la conserve, elle m’en deviendra plus chere, comme étant plus à moi.
LETTRE
À Messieurs de la Société Économique de Berne.
Vous êtes moins inconnus, Messieurs, que vous ne pensez,
& il faut que votre Société ne manque pas de célébrité dans
le monde, puisque le bruit en est parvenu dans cet asyle à
un homme qui n’a plus aucun commerce avec les gens de
Lettres. Vous vous montrez par un côté si intéressant que
votre projet ne peut manquer d’exciter le public, & sur-tout
les honnêtes gens à vouloir vous connoître, & pourquoi voulez-vous
dérober aux hommes le spectacle si touchant & si
rare dans notre siecle, de vrais citoyens aimant leurs freres
& leurs semblables, & s’occupant sincérement du bonheur de
la patrie & du genre-humain ?
Quelque beau, cependant, que soit votre plan, & quelques talens que vous ayez pour l’exécuter, ne vous flattez pas d’un succès qui réponde entiérement à vos vues. Les préjugés qui ne tiennent qu’à l’erreur se peuvent détruire, mais ceux qui