vois dans mon lit un repos de corps & d’ame, cent fois plus doux que le sommeil même.
Ce sont là les jours qui ont fait le vrai bonheur de ma vie, bonheur sans amertume, sans ennuis, sans regrets, & auquel j’aurois borné volontiers tout celui de mon existence. Oui, Monsieur, que pareils jours remplissent pour moi l’éternité, je n’en demande point d’autres, & n’imagine pas que je sois beaucoup moins heureux dans ces ravissantes contemplations, que les intelligences célestes. Mais un corps qui souffre, ôte à l’esprit sa liberté ; désormais je ne suis plus seul, j’ai un hôte qui m’importune, il faut m’en délivrer pour être à moi, & l’essai que j’ai fait de ces douces jouissances, ne sert plus qu’à me faire attendre avec moins d’effroi, le moment de les goûter sans distraction.
Mais me voici déjà à la fin de ma seconde feuille. Il m’en faudroit pourtant encore une. Encore une lettre donc, & puis plus. Pardon, Monsieur, quoique j’aime trop à parler de moi, je n’aime pas à en parler avec tout le monde, c’est ce qui me fait abuser de l’occasion quand je l’ai, & qu’elle me plaît. Voilà mon tort & mon excuse. Je vous prie de la prendre en gré.
Je vous ai montré, Monsieur, dans le secret de mon cœur,
les vrais motifs de ma retraite & de toute ma conduite ; motifs
bien moins nobles sans doute que vous ne les avez supposés,