cueilde tous : mais si contre mon attente, je puis aller jusques-là & prendre une fois congé du public, croyez, Monsieur, qu’alors je serai libre, ou que jamais homme ne l’aura été. O utinam ! Ô jour trois fois heureux ! Non, il ne me sera pas donné de le voir.
Je n’ai pas tout dit, Monsieur, & vous aurez peut-être encore au moins une lettre à essuyer. Heureusement rien ne vous oblige de les lire, & peut-être y seriez-vous bien embarrassé. Mais pardonnez, de grace ; pour recopier ces longs fatras, il faudroit les refaire, & en vérité je n’en ai pas le courage. J’ai surement bien du plaisir à vous écrire, mais je n’en ai pas moins à me reposer, & mon état ne me permet pas d’écrire long-tems de suite.
Après vous avoir exposé, Monsieur, les vrais motifs de ma
conduite, je voudrois vous parler de mon état moral dans ma
retraite ; mais je sens qu’il est bien tard, mon ame aliénée
d’elle-même est toute à mon corps. Le délabrement de ma
pauvre machine l’y tient de jour en jour plus attachée, & jusqu’à
ce qu’elle s’en sépare enfin tout-à-coup. C’est de mon bonheur
que je voudrois vous parler, & l’on parle mal du bonheur
quand on souffre.
Mes maux sont l’ouvrage de la nature, mais mon bonheur est le mien. Quoi qu’on en puisse dire, j’ai été sage, puisque