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LETTRE À M***.

Enfin, mon cher * * *, j’ai de vos nouvelles. Vous attendiez plutôt des miennes & vous n’aviez pas tort ; mais pour vous en donner, il falloit savoir où vous prendre, & je ne voyois personne qui pût me dire ce que vous étiez devenu ; m’ayant & ne voulant avoir désormais pas plus de relation avec Paris qu’avec Pekin, il étoit difficile que je pusse être mieux instruit ; cependant Jeudi dernier un Pensionnaire des Vertus qui me vint voir avec le Pere Curé, m’apprit que vous étiez à Liege ; mais ce que j’aurois dû faire, il y a deux mois, étoit à présent hors de propos, & ce n’étoit plus le cas de vous prévenir, car je vous avoue que je suis & serai toujours de tous les hommes, le moins propre à retenir les gens qui se détachent de moi.

J’ai d’autant plus senti le coup que vous avez reçu, que j’étois bien plus content de votre nouvelle carriere que de celle où vous êtes en train de rentrer. Je vous crois assez de probité pour vous conduire toujours en homme de bien dans les affaires, mais non pas assez de vertu pour préférer toujours le bien public à votre gloire, & ne dire jamais aux hommes que ce qu’il leur est bon de savoir. Je me complaisois à vous imaginer d’avance dans le cas de relancer quelquefois les fripons, au lieu que je tremble de vous voir contrister les ames simples dans vos écrits. Cher * * *, défiez-vous de votre esprit satirique,