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tout, que dans cette dispute, c’est vous qui attaquez mon sentiment, & que je ne fais que le défendre ; car, d’ailleurs, je suis très-éloigné de désapprouver le vôtre, tant que vous ne voudrez contraindre personne à l’embrasser.

Quoi ! cette aimable & chere Parente est toujours dans son lit ! Que ne suis-je auprès d’elle ! Nous nous consolerions mutuellement de nos maux & j’apprendrois d’elle à souffrir les miens avec confiance ; mais je n’espere plus faire un voyage si desiré ; je me sens de jour en jour moins en état de le soutenir. Ce n’est pas que la belle saison ne m’ait rendu de la vigueur & du courage ; mais le mal local n’en fait pas moins de progrès ; il commence même à se rendre intérieurement très-sensible ; une enflure qui croît quand je marche m’ôte presque le plaisir de la promenade, le seul qui m’étoit reste, & je ne reprends des forces que pour souffrir ; la volonté de Dieu soit faite ! Cela ne m’empêchera pas, j’espere, de vous faire voir les environs de ma solitude, auxquels il ne manque que d’être autour de Geneve pour me paroître délicieux. J’embrasse le cher Roustan, mon prétendu disciple ; j’ai lu avec plaisir son Examen des quatre beaux siécles, & je m’en tiens, avec plus de confiance, à mon sentiment, en voyant que c’est aussi le sien. La seule chose que je voudrois lui demander, seroit de ne pas s’exercer à la vertu à mes dépens, & de ne pas se montrer modeste en flattant ma vanité. Adieu mon cher Vernes, je trouve de jour en jour plus de plaisir à vous aimer.