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LETTRE À UN JEUNE HOMME

Qui demandoit à s’établir à Montmorenci, (domicile alors de M. Rousseau) pour profiter de ses leçons.

Vous ignorez, Monsieur, que vous écrivez à un pauvre homme accablé de maux & de plus sort occupé, qui n’est gueres en état de vous répondre, & qui le seroit encore moins d’établir avec vous la société que vous lui proposez. Vous m’honorez en pensant que je pourrois vous être utile, & vous êtes louable du motif qui vous la fait desirer ; mais sur le motif même, je ne vois rien de moins nécessaire que de venir vous établir à Montmorenci. Vous n’avez pas besoin d’aller chercher si loin les principes de la morale. Rentrez dans votre cœur, & vous les y trouverez : & je ne pourrai vous rien dire à ce sujet que ne vous dise encore mieux votre conscience quand vous voudrez la consulter. La vertu, Monsieur, n’est pas une science qui s’apprenne avec tant d’appareil. Pour être vertueux il suffit de vouloir l’être ; & si vous avez bien cette volonté, tout est fait, votre bonheur est décidé. S’il m’appartenoit de vous donner des conseils, le premier que je voudrois vous donner, seroit de ne point vous livrer à ce goût que vous dites avoir pour la vie contemplative, & qui n’est qu’une paresse de l’ame condamnable à tout âge, & sur-tout au vôtre. L’homme n’est point sait pour méditer, mais pour agir ; la vie laborieuse