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& des sommes immenses à des leçons publiques dans les leur Capitale, & après la réponse affirmative de tant d’illustres Auteurs, vous exigez encore la mienne. Quant à moi, Mon sieur, je n’ai pas les lumieres nécessaires pour me déterminer aussi promptement, & je ne connois pas allez les mœurs & les talens de vos compatriotes pour en faire une application sure à votre question. Mais voici là-dessus le précis de mon sentiment sur lequel vous pourrez mieux que moi tirer la conclusion.

Par rapport aux mœurs. Quand les hommes sont corrompus, il vaut mieux qu’ils soient savans qu’ignorans ; quand ils sont bons, il est à craindre que les sciences ne les corrompent.

Par rapport aux talens. Quand on en a, le savoir les pefectionne & les fortifie ; quand on en manque, l’étude ôte encore la raison, & fait un pédant & un sot d’un homme de bon sens & de peu d’esprit.

Je pourrois ajouter à ceci quelques réflexions. Qu’on cultive ou non les sciences, dans quelque siecle que naisse un grand homme il est toujours un grand homme, car la source de son mérite n’est pas dans les livres, mais dans sa tête, & souvent les obstacles qu’il trouve & qu’il surmonte ne sont que l’élever & l’agrandir encore. On peut acheter la science, & même les savans, mais le génie qui rend le savoir utile ne s’achete point ; il ne connoît ni l’argent, ni l’ordre des Princes, il ne leur appartient point de le faire naître, mais seulement de l’honorer, il vit & s’immortalise avec la liberté qui lui est naturelle, & votre illustre Métastase lui-même